Depuis ce mercredi 30 juillet, le destin de Roman Storm ne dépend plus que d’un jury new-yorkais.
Après plusieurs semaines de débats acharnés, le procès du cofondateur de Tornado Cash entre dans sa phase finale : les délibérations. En jeu ? Pas seulement la liberté d’un développeur, mais l’avenir juridique de tout un pan du Web3.
Une accusation implacable
Le Département de la Justice américain n’y est pas allé de main morte. Pour les procureurs, Tornado Cash n’est rien d’autre qu’un gigantesque lave-linge pour cryptomonnaies sales.
Le chiffre évoqué ? Plus d’un milliard de dollars blanchis, dont une partie directement reliée au groupe nord-coréen Lazarus. Et Storm, selon eux, savait.
Lors des plaidoiries finales, l’accusation a ressorti les échanges d’e-mails où certaines victimes d’escroqueries alertaient Tornado Cash.
Des messages, selon les procureurs, souvent ignorés ou traités avec des réponses automatiques trompeuses. Autre point central : le contrôle de l’interface utilisateur. Même si le protocole était décentralisé, les développeurs — Storm inclus — auraient pu restreindre l’accès, ou au moins tenter de le faire.
Et puis il y a ce fameux t-shirt, celui où Storm affichait “I keep my Ether clean with Tornado.cash”. Ce que la défense considère comme une blague a été utilisé par l’accusation comme symbole d’une certaine désinvolture vis-à-vis de la loi.
UPDATE:
Here is another different shirt about Tornado Cash and "cleaning" ETH.
Note the laundry machine imagery. pic.twitter.com/UZsnk80ZlR
— Dave Craige 🇺🇸 (@davecraige) July 30, 2025
Une défense fondée sur la liberté
En face, les avocats de Roman Storm ont tenu une ligne claire : Tornado Cash est un logiciel libre, un outil de protection de la vie privée, et non une entreprise criminelle. Storm n’a jamais contrôlé les fonds des utilisateurs. Il n’a pas perçu de commissions. Il n’a pas non plus invité les criminels à utiliser son code.
Ils insistent aussi sur le fait que Storm n’a pas agi seul, et que s’il est jugé, alors n’importe quel développeur open-source pourrait l’être demain pour les actes d’un tiers. “Écrire du code n’est pas un crime”, a martelé la défense. Un mantra repris par de nombreuses voix de la crypto sur X et dans les cercles tech.
Fait notable : Roman Storm a choisi de ne pas témoigner à la barre. Une décision stratégique selon ses avocats, qui estimaient que cela aurait offert à l’accusation un angle d’attaque supplémentaire.
Un verdict à portée historique
Le jury, composé de 12 personnes, s’est retiré mercredi soir. Leur mission : statuer sur trois chefs d’accusation majeurs — blanchiment d’argent, transmission illégale de fonds et violation de sanctions économiques.
Si Storm est reconnu coupable, il risque jusqu’à 45 ans de prison. Une peine qui ferait l’effet d’une bombe dans tout l’écosystème Web3.
Et au-delà de Storm, c’est tout l’équilibre entre innovation et régulation qui est en jeu. Faut-il condamner un développeur pour l’usage qu’un tiers fait de son code ?
Où s’arrête la responsabilité dans un monde décentralisé ?
Le contexte n’arrange rien : alors que le procès touche à sa fin, plusieurs affaires similaires émergent. Les développeurs du wallet Samourai viennent d’annoncer leur intention de plaider coupables dans une affaire connexe.
En parallèle, le DOJ a discrètement fait savoir que Dragonfly Capital, pourtant investisseur dans Tornado Cash, ne serait pas inquiété. Une décision qui laisse perplexes certains observateurs.
Une communauté sur le fil
Dans les cercles DeFi, la tension est palpable. Le token TORN a connu de fortes fluctuations ces dernières heures. Les forums sont en ébullition. Certains craignent un précédent liberticide. D’autres y voient enfin une réponse face aux dérives.
Quel que soit le verdict, il fera date. Et si Storm est acquitté, l’impact ne sera pas moins profond : pour des milliers de développeurs à travers le monde, ce sera peut-être le signal que coder pour la vie privée n’est pas, en soi, une déclaration de guerre aux régulateurs.