Le 29 juillet 2010, Satoshi Nakamoto lâchait une phrase aussi sèche qu’inoubliable sur un forum. Quinze ans plus tard, ces mots sont devenus un pilier de la culture Bitcoin. Une déclaration simple mais dont la portée continue de secouer la communauté crypto et de diviser les opinions.
Une déclaration brute qui fonde la culture du bitcoin
Postée sur le forum BitcoinTalk le 29 juillet 2010, cette phrase est aujourd’hui devenue mythique :
Si vous ne me croyez pas ou ne comprenez pas, je n’ai pas le temps d’essayer de vous convaincre, désolé.
Elle surgit dans une discussion technique, mais ce sont ses implications philosophiques qui ont marqué les esprits. En une seule ligne, Satoshi Nakamoto condense une posture radicale, presque stoïque : Bitcoin n’a pas besoin de convaincre, seulement d’exister.
Ce positionnement a façonné une grande partie de la culture chez les Bitcoin maximalistes. Pour eux, comprendre Bitcoin n’est pas seulement une question de technique. Il s’agit d’une révélation intellectuelle, presque spirituelle. Cette posture alimente la division avec les néophytes, souvent déroutés par cette absence de pédagogie.
Et pourtant, cette déclaration ne s’inscrit pas dans le vide. À cette époque, Bitcoin n’est qu’un projet marginal, utilisé par quelques geeks. Le ton de Satoshi est celui d’un créateur las d’expliquer une idée que peu veulent entendre, mais qu’il sait d’avance révolutionnaire.
Un slogan pour une ère de défiance
La phrase de Satoshi prend encore plus de poids. Dans un monde saturé d’informations, de promesses marketing et de fausses innovations, dire « je ne vais pas essayer de te convaincre » ressemble à un acte de résistance. C’est l’anti-pitch par excellence.
Ce refus d’argumenter est devenu, paradoxalement, un argument en soi. Aujourd’hui, des figures comme Brian Armstrong (CEO de Coinbase) ou Samson Mow (CEO de JAN3) y font régulièrement référence pour souligner la pureté de la vision originelle. Armstrong, dans un post récent sur X (ex-Twitter), affirmait que « des centaines de millions de personnes comprennent désormais » preuve, selon lui, de la clairvoyance de Satoshi.
In the immortal words of Kurt Cobain:
He's the one
Who likes all our pretty songs
And he likes to sing along
And he likes to shoot his gun
But he knows not what it means
Knows not what it means pic.twitter.com/VYplEPa64H— Samson Mow (@Excellion) July 30, 2025
Mow calme un peu l’enthousiasme en citant Nirvana. Il critique le fait que beaucoup suivent sans vraiment comprendre. Il y a une vraie tension : entre être nombreux à suivre et vraiment comprendre, entre la mode et le sens profond du projet. Et cette phrase, claire et tranchante, fait le tri : « Si tu ne comprends pas, ce n’est pas pour toi. »
Bitcoin : une vision radicale, mais incomplète ?
Pourtant, cette position soulève une question essentielle : peut-on construire une révolution technologique et sociale sans éducation, sans dialogue, sans effort de transmission ?
Refuser de convaincre, n’est-ce pas aussi se priver d’alliés ? Le Bitcoin de 2025 n’est plus celui de 2010. Il est aujourd’hui intégré dans les bilans de sociétés cotées en bourse, accepté par des États, discuté dans les cercles politiques.
La récente annonce de la société Strategy, dirigée par Michael Saylor, en est un exemple frappant. L’entreprise vient d’acheter 21 021 BTC pour 2,46 milliards de dollars, portant ses avoirs à plus de 628 000 BTC. Une telle accumulation, représentant près de 3% de l’offre totale de Bitcoin, illustre le passage du rêve cypherpunk à une stratégie financière d’envergure.
Mais dans ce contexte, le mantra de Satoshi devient ambigu. Doit-il encore servir de boussole dans un système où Bitcoin est parfois manipulé, centralisé ou instrumentalisé ? Peut-on encore dire « je ne vais pas te convaincre » quand les enjeux dépassent la simple technologie pour toucher l’économie globale ?
Entre mystère et modernité : la force intacte de Satoshi
Satoshi Nakamoto n’a rien vendu. Il n’a jamais fait de levée de fonds, ni signé de contrat, ni même révélé son identité. Cette posture radicale, aujourd’hui quasi inimaginable, a conféré à sa parole une force rare : celle de l’authenticité.
Sa célèbre phrase n’est donc pas seulement une pique lancée à un interlocuteur sceptique : c’est une déclaration de principe. Elle affirme que Bitcoin ne repose sur aucune autorité, aucun argument d’autorité, et surtout, aucune nécessité d’approbation. Et cette absence d’insistance est un acte fort. Elle laisse chacun libre de s’approprier Bitcoin, ou non, sans pression.